Lundi 6 Juin 2016 19h15

Cinéma Les Arcades

CHINESE WINE

(drame historique 90 mn)

de Song Jiangbo

 

Chinese Wine raconte les conflits s’étant déroulés au cours du vingtième siècle entre deux puissantes familles de producteurs de Maotai (l’alcool national chinois) depuis l’obtention par l’une d’elles d’un prix important lors de l’Exposition Universelle de Panama en 1915.

 

Avec comme toile de fond de grands événements historiques s’étant déroulés entre 1915 et 1949, ce drame historique permet de mieux comprendre la «culture » de cet alcool traditionnel chinois très connu.

 

Avec à l’affiche des acteurs populaires (Huang Yi, le chanteur-acteur originaire de Taiwan  Van Fan, ainsi que Winston Chao vu notamment dans de nombreux films de Ang Lee (« Garçon d’honneur », « Salé Sucré » etc)

 

Durée: 90 minutes. Date de sortie: 15 Janvier 2016.  Box-Office: non connu

Chinese Wine

de Song Jiangbo

par Jean-François VICTOR (adhérent)

 

Nous n'avons pas tous la même perception d'une œuvre cinématographique, ni la même appréciation, ni la même interprétation. Au sortir de la projection, il était flagrant que ce film laissait majoritairement assez indifférent le public de Ciné Croisette.

 

A ce même moment, je me suis surpris à regretter que quelques moines de l'Abbaye de Lérins ne se soient pas "égarés" aux Arcades, certain que le film les aurait vivement interpellés, car il pourrait bien exister une étroite corrélation (pour moi très claire) entre le véritable propos de  Song Jiangbo et le rôle de la perfection dans l'ouvrage, propre à l'ascèse cistercienne.

 

Le synopsis de ce film est inspiré de manière assez elliptique d'épisodes historiques authentiques et fortement emblématiques de la culture chinoise. Car l'histoire du Maotai remonte très loin, bien en amont du récit qui nous est proposé. Dès 135 av. J.-C., la ville de Maotai (Province du Gizhou) commence à produire l’ancêtre du Moutai, presque immédiatement élevée au rang d’offrande impériale de la dynastie des Han. Comme l'essentiel des alcools d'extrême orient il est issu de la fermentation de céréales, c'est un alcool blanc à base de sorgho fermenté.

 

La région où s'est développée cette production est une province depuis toujours très pauvre et archaïque de Chine, mal desservie, isolée, reliée sur elle-même, sinistrée par la consommation généralisée d'opium pendant des décennies, parfois décimée par le famine. C'est un vestige de l'histoire, on y recense pas moins de 80 minorités ethniques. La tradition veut que, jusqu'à une période récente, on y exterminait les filles à la naissance et qu'on y vendait les garçons comme outil de production à des provinces moins déséritées. C'est assez dire...

 

Encore aujourd'hui, et malgré son grand attrait touristique qui permet un relatif développement, Guizhou reste le contre exemple de la modernité dans laquelle s'est frénétiquement engagée la Chine après la malencontreuse "Révolution Culturelle Prolétarienne" de 1966 qui - il faut le rappeler - audelà de l'éradication de la culture traditionnelle et de la mise à l'écart (pour rééducation) des élites, aurait fait d'après des études très sérieuses des millions de victimes.

 

Au fil des siècles, l'élaboration dudit breuvage deviendra de plus en plus sophistiquée et codifiée. Elle sera pratiquement éradiquée pendant la "seconde guerre de l'opium" puis reprise jusqu'à ce qu'elle reçoive une reconnaissance internationale en 1915 à l'occasion de l'Exposition Universelle de San Francisco. Et c'est à cet instant précis que commence le scénario du film de Song Jiangbo à l'occasion duquel deux familles d'artisans producteurs concurrents de Maotai vont réunir leur savoir-faire et leur commerce par le mariage "de raison" de leurs enfants "pour le meilleur et pour le pire". Et c'est peu dire !

 

Car commence presque immédiatement une longue période de guerre civile qui se prolongera jusqu'en 1950, encore aggravée par le conflit sino-japonais de 1937 à 1945, et subissant les incidences d'un contexte international particulièrement erratique. Bien que très isolée la province de Guizhou n'est pas épargnée par les affrontements particulièrement meurtriers, lesquels vont interférer avec l'activité de ces deux familles d'artisans et y introduire un singulier désordre affectif et matrimonial.

 

A  travers cette vie familiale, le film illustre l'histoire moderne du Maotai et l'enchaînement de péripéties par laquelle ce breuvage va se retrouver intimement liée au maoïsme. Dès 1935, lors de la Longue Marche (dont les images sont particulièrement fortes) au cours de laquelle la guérilla communiste fuit les assauts des nationalistes de Chiang Kaï-Chek, l'Armée Rouge s'installe dans un village du Guizhou et découvre les vertus du Maotai: désinfecter les plaies, guérir les maux de ventre, et remonter le moral des partisans. Et le Kuomintang ne sera pas en reste et viendra également confisquer la production pour bénéficier des mêmes vertus.

 

Pour l'anecdote, Zhou Enlai, une fois premier ministre de Mao et véritable visage de la Chine à l'étranger, se référera à cet épisode pour faire de cet alccol un produit symbolique de la Chine Communiste: « la longue marche a été un succès en grande partie grâce au Maotai ».

 

En résumé, c'est pendant une des phases les plus troublées de l'histoire de la Chine que va réapparaître un artisanat consacré à une boisson qui deviendra finalement emblématique de la Chine nouvelle, après avoir été 2000 ans plus tôt celui tout aussi symbolique de la dynastie des Han.

 

Mais au delà de la fresque historique particulièrement romanesque dans lequel nous emporte Song Jiangbo,  ne nous proposerait-il pas surtout une méditation sur un sujet beaucoup plus universel  : le sens de la recherche presque fanatique de la perfection ?

 

C'est à mon avis le sens véritable de ce film, le sens de la délicatesse des éclairages, de ces visages d'enfants magnifiquement photographiés, de ces regards pleins de sagesse, de la glorification de la transmission du savoir-faire familial, de ces dégustations d'un calme religieux ou encore de l'offrande du précieux breuvage versé avec solennité sur la pierre tombale de l'ancêtre.

 

Depuis la nuit des temps et aux quatre coins de la planète, la recherche de la perfection - au sens le plus large du terme - est au cœur même des différentes disciplines spirituelles explorées par l'être humain. Ce rapport est étroit et s'observe dans toutes les civilisations, dans tous les contextes religieux, sous toutes les latitudes, toutes les formes d'expressions artistiques et de travail artisanal.

 

Elle est aussi au cœur même des multiples digressions du monachisme occidental ou oriental, à l'exception des ordres contemplatifs chrétiens pour lesquels la perfection a été préférentiellement recherchée dans l'abstinence, le jeûne et la prière.

 

Il en existe au large de Cannes, un exemple que les cannois peuvent difficilement ignorer avec la très soigneuse et très réputée production viticole de l'Abbaye de Lérins.

 

sources

https://fr.wikipedia.org/wiki/Maotai

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tchang_Kaï-chek

https://fr.wikipedia.org/wiki/Kuomintang

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_chinoise

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