Boefje de Douglas Sirk avec Annie van Ees, Albert van Dalsum, Enny Snijders 1h34 Policier Pays Bas
Un polisson de 12 ans John Grover passe plus de temps dans les ruelles de Rotterdam qu’avec sa famille.
Avec son meilleur ami et partenaire dans la délinquance, John Doe, il prévoit de se rendre en Amérique pour devenir riche. Quand un ecclésiastique a pitié de l'enfant et tente de lui apprendre les bonnes manières, d'abord il se rebelle. Cependant, une fois qu'il est envoyé dans un pensionnat strict, il prend un intérêt pour la musique, spécialement les orgues.
Boefje de Detlef Sierck (alias Douglas Sirk) - 1939
Il ne nous reste plus grand chose à explorer pour boucler notre odyssée Douglas Sirk, mais le fait est qu'il y a encore quelques jolis petits films qui nous avaient échappé. Comme cette production hollandaise qui lorgne du côté des mélodrames italiens avant l'heure, puisqu'il décrit le quotidien d'un gosse des rues, abandonné par tous, se livrant à la petite délinquance, avant de trouver la rédemption et le bonheur. Un film pour la jeunesse, édifiant et moraliste, mélange de gouaille à la Mark Twain et de lyrisme façon image d'Epinal. Sirk ne fait pas dans l'originalité, il tient à éduquer son public vers l'amour de Dieu et la vie sans larcins, et c'est vrai que côté scénario on est un peu agacé par ce trop-plein de morale et de bons sentiments. Sirk a réalisé ça en plein exil entre deux pays, on fermera les yeux sur ce scénario assez convenu et sur ses péripéties.
On préférera s'attarder et s'attendrir sur le très joli univers mis en place, mélange de paradis enfantin et d'enfer social, où les contrastes règnent. D'un côté, donc, l'innocence intrinsèque de l'enfance : le personnage principal, petit oiseau gouailleur, fanfaron et coquinou, est interprété par une jeune fille, Annie van Ees, idée géniale qui confère à ce garçon une fragilité, une grâce qu'on n'attend pas dans ce genre de rôle. Le petit délinquant devient une petite chose attendrissante, malgré sa crasse, sa voix criarde, sa bêtise, parfois. Sirk le charge en éléments purement naïfs : amour passionné pour les animaux, rêves d'Amérique (dans la bio de Sirk, ce détail est important), sens du jeu et de la prise de risque, innocence dissimulée sous les petits vols et les grands mensonges... Le personnage est très joli, et le cinéaste pose sur lui un regard très attendri, contrairement à l'ensemble des autres personnages, qui le considèrent tous comme un voyou. On voit bien, nous, comment il se comporte avec son copain (les meilleures scènes du film, uniquement enfantines) ou avec le chat qu'il sauve de la noyade, ou comment il est soudain frappé par la grâce quand il découvre l'orgue de l'église (oui, la symbolique de la rédemption va jusque-là) : Sirk filme à merveille cette innocence saccagée, mais qui heureusement va ressurgir, simplement parce qu'un bon prêtre va croire en lui.
Ce paradis perdu de l'enfance, il le situe dans la crasse des faubourgs de Rotterdam, là aussi filmés avec un excellent sens de l'espace, des contrastes. Décors de voies de garage, de chemins de fer, de petits taudis insalubres, de rues sales, où notre héros s'épanouit à son aise. Sa famille, brutale comme une famille de Dickens, survit là-dedans, mue par la rapacité et le manque d'amour. Un fond très mélodramatique, dans lequel Sirk est comme un poisson dans l'eau, multipliant les saynètes où Jan est mis à mal de façon injuste, et les contrebalançant par un humour attachant dans le portrait de ces damnés de la terre. Il aime aussi charger son cadre de gros plans de "trognes", cadres dans lesquels on distingue son amour de la peinture et son humanisme. Bref, un petit film, certes, mais très mignon et émouvant.